Têtes de Robin #3 – Norbert Vernot

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Norbert Vernot, pour tout le monde, c’est Nono. On l’appelle comme ça chez Robin depuis 1978. La menuiserie c’est chez lui. Alors quand on arrive à l’atelier pour lui emprunter une heure, on a l’impression d’enlever la table de la salle à manger: Nono fait partie des meubles et pas des moins importants. On l’arrache donc à Patrick, vieille connaissance du collège qu’il a retrouvé par hasard chez Robin cinquante ans plus tard.

Le regard tranquille, l’air un peu là et un peu ailleurs, on s’aperçoit vite qu’il n’est pas exactement du genre causeur.
On peut même dire qu’il va droit au but: « Bientôt 43 ans que je suis là… c’est passé vite. »

Nono est arrivé chez Robin en 1978 pour un stage de six mois en apprentissage. Une histoire presque classique par ici, même chez les nouveaux: on arrive par hasard, on reste par plaisir. « J’ai choisi le bois, c’était un bon choix. Le premier jour, quand on arrive ici, on a un peu peur, on se dit qu’on y arrivera pas. C’est quand même quelque chose d’avoir la vie de quatre personnes entre les mains… Une fois là-haut, on peut pas se garer sur le nuage. Et puis finalement ça s’est bien passé. Alors j’ai signé un contrat pour revenir après l’armée. J’ai fait mon service, je suis revenu, et puis voilà… » et puis le premier d’une série de silences utiles avant d’ajouter: « …j’ai été licencié avec d’autres en 1981 au moment de la première crise de la boite. Mais on est tous revenus un an plus tard. Quand je suis parti, il y avait tout un tas d’avions blancs, pas encore peints, sur le pré devant l’usine. Les invendus, quoi. Et puis quand on est revenus, le pré s’est vidé très rapidement. » s’amuse-t-il dans un premier sourire.

Depuis, Nono est passé par plusieurs ateliers, notamment au montage pendant deux ans et puis par tous les postes de la menuiserie ou presque: « en 42 ans, je me suis bizarrement jamais retrouvé à faire un seul monobloc… » Plus étonnant encore, il a appris l’entoilage pendant la seconde crise de la société en 2008, alors même qu’il ne travaillait temporairement plus chez Robin: « j’ai été embauché quelques mois par un atelier pour réparer un DR220 très abimé. J’ai refait la voilure et deux, trois bricoles sur la cellule… C’est à ce moment-là que j’ai appris à entoiler. »
Nono connait donc très bien son sujet: « depuis tout ce temps, même s’il a beaucoup évolué, le DR est toujours resté le DR. On travaille le bois de la même façon, on le colle pareil… Même si maintenant il faut signer et faire contre-signer chaque pièce, ça fait du papier… »
Rien n’a changé alors, vraiment? « Ah ben si, y’a un truc qui a bien changé: quand je suis arrivé, c’est les vieux qui m’ont appris le métier, j’étais le seul jeuner. Et maintenant, c’est moi le vieux! » rit-il avant d’enchainer « … la plus grosse évolution que j’ai vu en 42 ans chez Robin, c’est depuis deux ou trois ans, avec tous ces jeunes qui sont arrivés avec des idées nouvelles. C’est bien. Et puis je me fais pas de soucis pour eux. Ça va aller très bien quand je serai parti, j’ai confiance. Et je pense qu’il y en a qui vont durer longtemps, ici. Un jour ils diront comme moi: c’est passé vite! »

Maintenant tout proche d’une retraite pas volée, Nono devient pour un instant un poil plus bavard et résume ce qu’il gardera d’une vie à faire des Robin: « ébéniste, menuisier, c’est un beau métier, mais les meubles, ça vole pas! Ce que j’ai aimé, c’est voir mon travail traverser le ciel, l’entendre approcher et lever le nez en disant tiens, en voilà un! Tiens, d’ailleurs, j’ai toujours trouvé bizarre qu’il y ait pas une école de menuisiers aéronautiques. Et puis j’ai fini par comprendre qu’on était les seuls à fabriquer des avions en bois et que cette école, en fait, j’y avais été toute ma vie…»

La boucle est donc joliment bouclée.

Après tout ça, Nono repassera certainement de temps à autre voir les nouveaux devenir des anciens tout en profitant tranquillement de la vie à Hauteville. Hauteville, c’est là où il a grandi, à cinq kilomètres de Darois, là d’où il a regardé Robin tanguer sans jamais couler. « Que ce soit Robin ou Hauteville, en fait, j’ai jamais quitté mon clocher » rit-il encore avant de conclure dans son style le plus caractéristique « Bientôt 43 ans que je suis là… Ouais. Bah on peut dire que tout s’est bien passé. »
Nono dans toute sa splendeur.

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